La grammaire introduite et expliquée par la phonétique

27 février 2013 par Philippe Mijon Laisser une réponse »

 

C’est sans doute le fruit de mon obsession pour l’oral : je ne comprends pas qu’on s’entête encore à aborder certains points de grammaire en faisant fi de la phonétique. Tout pourrait être pourtant si simple !

Chacun sait que lors de l’introduction des adjectifs démonstratifs, il lui faut immédiatement signaler aux étudiants que la forme au masculin singulier « ce » se transforme en « cet » devant voyelle ; au chapitre des adjectifs possessifs, rebelote : « sa » devient « son » devant voyelle ; il lui faudra préciser un jour ou l’autre que « vieux » se transforme parfois en « vieil », « beau » en « bel », etc. , ou répondre à la question : « Monsieur, pourquoi il y a un « t » dans « Reviendra-t-il ? », à quoi ça sert ? », etc. Les étudiants, immanquablement, pesteront contre ces maudits Français qui compliquent tout à loisir.

Il serait beaucoup efficace d’expliquer aux étudiants que les Français détestent tout simplement l’hiatus (c’est à dire la succession de deux voyelles appartenant à des syllabes différentes) et qu’ils sont très inventifs quand il s’agit de l’éviter (ce qui n’est malheureusement pas toujours possible). Disons simplement que le principe récurrent est d’intercaler une consonne entre les deux voyelles en question. A partir de là, il devient facile d’introduire non seulement de nombreuses « exceptions » mais aussi certaines déformations orales.

1. Explications de certaines « exceptions » grammaticales :

  • L’adjectif démonstratif masculin singulier Ce est modifié : Cet
  • L’adjectif possessif féminin à la troisième personne du singulier Sa se transforme en Son
  • Les articles Le et La deviennent L’
  • Certains adjectifs sont transformés : par exemple, beau devient bel et vieux change en vieil 
  • L’ajout d’un « t » de liaison dans certaines inversions sujet-verbe pour l’interrogation (quand le verbe termine par une voyelle et que le pronom commence lui aussi par une voyelle) : Reviendra-t-il ? A-t-il chanté ?

 

2. Explication de la règle de la liaison :

Pourquoi s’amuse-t-on à faire des liaisons en français ? Justement pout éviter l’hiatus, pas pour autre chose ! La chose se complique ensuite puisque certaines liaisons sont obligatoires, d’autres facultatives et les dernières interdites. Mais c’est une autre histoire.

 

3. Explication de certaines déformations orales

Certaines déformations orales sont incorrectes et pourtant très fréquentes dans le discours spontané et familier :

  • En principe, « Qu’ » est la version du pronom relatif ou interrogatif Que devant voyelle :

C’est ce que je dis / C’est ce qu’il fait / Qu’est-il arrivé ?

mais « Qu’ » devient aussi, à l’oral, la version du pronom relatif « Qui » devant un mot commençant par voyelle : « L’homme qui est arrivé hier » se transforme alors en « L’homme qu’est arrivé hier »

  • De la même façon, « Tu » devient « T’ » devant voyelle : « Tu es arrivé hier ? » / « T’es arrivé hier ? »

Introduire l’hiatus en classe de FLE, c’est faire d’une pierre deux coups : vous travaillerez un point important de la phonétique du français tout en abordant de nombreuses « irrégularités » morphologiques -qui ne sont pas si bizarres que cela puisqu’elles s’expliquent. Vos étudiants vous en seront reconnaissants : c’est toujours un soulagement quand une raison commune finit par justifier une série d’incohérences apparentes !

 

Related Posts Plugin for WordPress, Blogger...
Publicité

2 commentaires

  1. Freland dit :

    « je ne comprends pas qu’on s’entête encore à aborder certains points de grammaire en faisant fi de la phonétique »

    Enfin quelqu’un qui pense comme moi ! je m’épuise à convaincre les éditeurs de Fle de faire une méthode avec une progression basée sur la phonétique et non pas la grammaire ! 1ere leçon, je m’appelle, je suis étudiante j’ai 20 ans etc…. toutes les difficultés phonétiques …
    bravo ! pendant ma carrière j’ai toujours enseigné les irrégularités grammaticales a partir de la phonétique.

  2. Philippe dit :

    Depuis quelque temps, et de plus en plus, je constate que beaucoup de profs FLE ont une véritable « soif » de phonétique… C’est dans l’air, j’en suis sûr ! La phonétique revient en force ! D’ici peu, vous aurez convaincu les éditeurs FLE de cette méthode ! 🙂

Laisser un commentaire