Les étudiants hispanophones ou catalanophones ont traditionnellement des difficultés à distinguer (et donc à reproduire, puisqu’audition et phonation sont étroitement liées, je vous renvoie à un billet précédent sur les bases de la phonétique verbo-tonale) la voyelle intermédiaire du plus petit degré d’aperture : [y].
Découvrant le nouveau phonème à travers le prisme de leur(s) langue(s) maternelle(s), en bonne logique, les apprenants « ramènent » donc systématiquement le [y] soit vers le [i] (c’est à dire plus en avant : cas fréquent chez les Catalans), soit vers le [u] (c’est à dire plus en arrière : cas fréquent chez les hispanophones). Pourtant, efficacité de la méthode verbo-tonale qu’on ne soulignera jamais assez, l’apprenant finit toujours par distinguer d’abord, puis articuler correctement, ce fameux son dont souvent les étrangers se moquent gentiment.
Mais voilà : après quelques séances de travail phonétique, notre apprenant, qui semblait en bonne voie pour maîtriser les trois voyelles [i] [y] [u], se met à mettre des [y] partout, même là où il n’y en a pas ! Communément, le phonème [u] est maintenant prononcé [y] alors qu’il existe en espagnol et en catalan et qu’il ne pose jamais aucune difficulté. « Tout est fini » devient donc [tytEfini] !
C’est le « syndrome Johnny Halliday », qui a tendance à avancer cette voyelle arrière, ce que tous les imitateurs ont d’ailleurs bien remarqué (notez à cet égard que ceux-ci avancent justement leurs lèvres en cul de poule durant leur imitation du grand chanteur français –ou belge – ou suisse ; enfin disons francophone).
En général, la panique gagne le professeur, qui s’était pourtant courageusement jeté à corps perdu dans la phonétique : « Mais pourquoi il me fait ça ? Avant il n’arrivait pas à distinguer et à prononcer [y] mais [i] et [u] ne posaient pas de problème, maintenant [y] et [i] semblent stabilisés mais c’est [u] qui est mal prononcé !! Pourquoi ? ». L’explication de ce phénomène très normal est la surcorrection. L’apprenant corrige non seulement ses erreurs mais ses productions correctes. Comment résoudre cette surcorrection ? D’après mon expérience, il n’a rien à faire de spécial : il suffit d’attendre et tout rentre dans l’ordre plus ou moins rapidement. Peut-être décevant, comme solution, mais c’est très efficace…
Intéressant. J’ai aussi remarqué ce phénomène de surcorrection pour le B, qu’ils se mettent à prononcer V. En fait, ils sont saisi la phonétique, mais pas la phonologie! C’est peut-être un passage intermédiaire obligé…
Je crois aussi que c’est presque obligatoire de passer par cette phase. Concernant les hispanophones, Il y a aussi une surcorrection typique pour le [s], que les étudiants prononcent [z]…