Le leurre de l’harmonisation des niveaux de certification grâce au CECRL

2 février 2011 par Philippe Mijon Laisser une réponse »

Je me rappelle avoir assisté, voici quelques années déjà, à une présentation du CECRL : une nouvelle ère s’annonçait. Terminé les disparités dans les certifications ! Fini les diplômes de langues délivrés selon des critères nationaux ! À la trappe les delf/dalf, les first certificate et autres DELE ! nous abordions le rivage de l’harmonisation européenne ! Désormais, on nous l’assurait, nous saurions de quoi serait capable le titulaire d’un diplôme B2 en tchèque ou en portugais car tous les pays allaient appliquer la même échelle pour l’évaluation de la maîtrise d’une langue.

En 2008, alors étudiant en italien à l’Istituto Italiano di Cultura de Barcelone, je décide de partir pour un séjour linguistique à Perugia –siège d’une des plus célèbres universités spécialisées en italiano per stranieri. Mon troisième niveau en poche (c’est à dire, pour l’Istituto, l’équivalent du niveau B1), je me présente donc à l’Université de Perugia un matin de juillet. On me fait passer un test, me voilà immédiatement inscrit au cours de C2. C2 ? Ah mais ! il doit y avoir une erreur ! J’explique à l’examinatrice, dans mon italien approximatif, que ce n’est pas possible : je viens de terminer un cours de B1 à Barcelone ! Je parle couramment 2 langues latines (le français et l’espagnol), en comprends une troisième (le catalan), ai quelques réminiscences d’un lointain apprentissage de portugais ; je ne doute pas un seul instant de mes immenses talents pour apprendre les langues étrangères, suis même flatté de cette généreuse évaluation, mais, chère madame, ce n’est tout simplement pas possible ! je suis loin, bien loin, j’en suis désolé, de « m’exprimer spontanément et couramment » (C1)  en italien !

Après avoir bataillé durant quelques minutes et fait valoir que je suis, par ma profession, un spécialiste moi aussi de la question, et donc que je ne parle pas en l’air, mon évaluatrice italienne consent à modérer ses prétentions et m’inscrit dans le cours de… C1 !! Ma fiche d’inscription en main, je ressors de l’université un peu soupçonneux. Et pourtant, dès le lendemain, premier jour de classe, je constaterai que ce cours correspond grosso modo à mon niveau général d’italien, pour la bonne et simple raison que ses objectifs d’apprentissage tiennent plus du niveau B2. On me proposera cependant, en fin de séjour, de passer l’examen officiel d’italien de C1…

Que penser de tout cela ? Que l’harmonisation européenne pour l’évaluation de la maîtrise d’une langue demeure un objectif encore loin d’être atteint. Même si les Allemands, les Espagnols, les Anglais, tous les autres pays européens ont eux aussi harmonisé leurs évaluations à leur manière. Est-ce si grave ? Evidemment non. Le principal apport du CECR ne tient certainement pas à cette question. Le problème, de taille, à mon avis, est que tout le monde feint de croire que cette harmonisation proposée et définie par le CECRL en 2001 est un fait acquis. Jusqu’à aujourd’hui, jamais aucune référence, dans mes lectures, à la disparité qui perdure en la matière.

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  1. Martin D dit :

    Votre article est encore plus pertinent si on ajoute que même l’institut Confucius dit explicitement que les 6 niveaux de ses examens officiels « new HSK » de langue chinoise cherchent à respecter le CECRL. Étendre le champ d’application du CECRL à une langue telle que le chinois est à mon avis un défi.

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