L’imitation au cœur des apprentissages

26 mai 2013 par Philippe Mijon Laisser une réponse »

Je suis assez content de ma lecture du dernier Français dans le Monde (FDLM, nº 387, mai-juin 2013). J’y ai noté à plusieurs reprises et sous différentes plumes que l’imitation et la mémorisation étaient fondamentales à l’heure d’apprendre, ce dont je suis convaincu depuis très longtemps, mais qui en laisse encore beaucoup dubitatifs (à leurs yeux, apprendre par imitation est une technique rétrograde). J’avais d’ailleurs déjà abordé ce sujet il y a presque 3 ans. L’imitation et la mémorisation de nouveau à la mode ? Presque ! En tout cas, nous voici en présence de signes avant-coureurs. Enfin ! Un juste retour du balancier, sans aucun doute.

E. Fraisse, professeur de littérature à l’université Sorbonne nouvelle Paris-3, rappelle dans un entretien (p. 22 et 23) que, suivant les cultures, les textes « font soit l’objet d’un discours critique (comme en France), soit l’objet d’une imitation (Chine) ». Il ajoute que la France a « rompu avec l’idéal […] de l’enseignement littéraire, qui est de pouvoir parler et maîtriser son expression. […] L’enseignement formait des orateurs, il forme désormais des commentateurs ». C’est pour mieux appeler ensuite à « rompre avec la tradition unique et exclusive du commentaire. Car il se fait au détriment des deux autres registres qui subsistent dans les autres cultures. La première est l’expression de l’individu, la seconde la capacité d’imitation ». L’imitation est donc bien indispensable à la libération de la personne, ou, comme le précisent P. Bertocchini et E. Costanzo dans un autre article (« La notion d’écrit (2) Libérer l’écriture ») : « L’imitation est à prendre comme un modèle dont on s’émancipe au fur et à mesure ». L’air de rien, ils soulignent que « les techniques encourageant l’écriture créative font appel à des éléments a priori décriés par la pédagogie traditionnelle : l’imitation, l’adaptation, les contraintes ». Et de citer, ô joie ! Queneau, Pérec et l’OULIPO à la rescousse ! On imaginera mal mon plaisir à lire ces lignes !

Pour couronner le tout, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt l’article de T. Riera, journaliste à Radio France et créateur de l’atelier webradio (« De véritables émissions de (web)radio pour l’enseignement »). Cette expérience ressemble, l’image en moins, à celle que j’avais conduite durant plusieurs années (Journal Télé du Monde Fictif ), et qui s’était avérée pédagogiquement très efficace. Si T. Riera semble de prime abord s’opposer à l’imitation (il faut, dit-il, « pratiquer une radio qui ne soit pas une imitation »), c’est qu’il confond ici simulation et imitation. Car il s’agit bien, si on le lit attentivement, d’imiter une « vraie » radio et de s’approcher au maximum d’un modèle de radio professionnelle en s’en appropriant les codes : « La radio ne s’improvise pas » ; « Il ne faut pas que les enseignants et leurs apprenants jouent mais apprennent à « faire de la radio » » ; il faut « savoir mettre en œuvre un programme radio authentique, qui inclut, par exemple, un journal d’information, une météo, des chroniques, un invité, un jeu radiophonique… Pour rythmer l’ensemble, il faut que l’enseignant sache produire et utiliser un habillage sonore de qualité », etc.

À toutes fins utiles, je rappelle que l’imitation est précisément au cœur des activités de phonétique verbo-tonale. Imitez ! Imitez ! Il en restera toujours quelque chose !

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