Le poids des croyances dans une séance de correction phonétique

27 octobre 2010 par Philippe Mijon Laisser une réponse »

Je voudrais revenir sur une séquence de classe qui m’a décidément marqué puisque j’en ai déjà parlé (voyez, avant de continuer la lecture, la description et analyse de cette séquence). Il y a quelques années, à l’occasion de mon Master 2 à Vichy (dont le but était de nous faire adopter une attitude critique vis-à-vis de nos propres pratiques de classe), j’avais déjà pu l’étudier d’un point de vue anthropologique, c’est à dire du point de vue des croyances de l’enseignant. Voici les résultats de la problématisation auxquels nous étions arrivés :

La méthodologie verbo-tonale (V-T) est-elle valable pour l’apprentissage de la phonétique ? S’adresse-t-elle à tous les types d’étudiants ? Est-elle capable de répondre au profil de n’importe quel apprenant ?
Sais-je utiliser exactement cette méthodologie, tous les outils qu’elle propose, ou bien me faut-t-il mieux la maîtriser ? Une certaine routine (habitude d’un public homogène du point de vue de la langue maternelle et de l’âge, etc.) ne m’a-t-elle pas empêché de répondre à une situation « hors-norme » ?

En d’autres termes, avec cette étudiante, suis-je en « situation d’échec », c’est à dire que j’ignore posséder des outils pour travailler avec elle et l’aider à progresser ? Ou bien suis-je simplement en « difficulté », c’est à dire que j’ai des outils mais que je ne sais pas lesquels utiliser ?

J’ai bien évidemment des outils. Sans même parler de la méthodologie V-T, une plus grande flexibilité, une plus grande patience m’auraient déjà permis de ne pas installer notre travail (à M. et à moi) dans un cercle vicieux d’où il était difficile de sortir. Si, par expérience, je sais que l’immense majorité des étudiants commencent à progresser après une dizaine d’heures de cours, il est finalement normal que certains aient un rythme plus lent, voire beaucoup plus lent. –je pense à l’expérience d’un professeur ayant en classe une Cambodgienne qui n’a absolument rien dit en classe durant la première année (même pas en langue maternelle), et qui l’année suivante n’arrêtait pas de parler. Si cette étudiante avait été étiquetée (« elle ne parle pas, on ne va pas s’en sortir, il n’y a rien à en tirer »), elle n’aurait sûrement pas plus ouvert la bouche la deuxième année.

Quant à la méthodologie, il me semble m’y être fié aveuglément et avoir finalement fait preuve d’assez peu de créativité. J’aurais pu par exemple proposer de travailler en utilisant plus le corps –debout, en marchant…- et cela, même si les contraintes spatiales ne le facilitaient pas (salle petite) et même si, en principe, ce travail corporel associé à la phonétique n’est qu’optionnel. Ce type d’activité aurait peut-être été profitable à M.

Au-delà d’un grand nombre de croyances (croyance en l’évaluation constante de l’étudiant, croyance que je maîtrise parfaitement la technique V-T alors que je m’en suis peut-être écarté insensiblement et qu’il faudrait revoir les « fondamentaux »… ), deux grandes croyances se font jour :

  • Croyance en la méthodologie V-T comme étant une technique pouvant répondre à tout (toutes les situations, tous les étudiants). Être un enthousiaste convaincu de cette méthode, qui donne souvent des résultats spectaculaires, m’a peut-être conduit à un aveuglement. La méthode V-T : la panacée ?
  • Croyance que les rythmes d’apprentissage, au-delà d’une marge « généreusement » accordée par moi à chaque apprenant, sont constants ; je me révèle assez intolérant si ce rythme est plus lent que la moyenne.

Deux pistes :

  • Adopter une position critique vis à vis de la méthodologie V-T, ne pas hésiter à l’« améliorer » en innovant, en essayant de nouveaux outils, de nouvelles manières de faire, qui parfois ne fonctionneront pas mais qui d’autres fois me permettront d’agrandir ma boîte à outils ; l’associer à d’autres méthodologies ? si oui : lesquelles ?
  • Reconsidérer ma position vis à vis du rythme d’apprentissage : qu’est-ce que progresser ? est-ce visible pour tous et de la même façon ? Comment fonctionne la période de latence ?
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