La farce du DELF/DALF

14 juin 2010 par Philippe Mijon Laisser une réponse »

Époque oblige, voici le temps des certifications !

Depuis septembre 2005, les diplômes de langue française (DELF et DALF), proposés par les Ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur et préparés par le Centre International d’Etudes pédagogiques (CIEP), sont harmonisés sur l’échelle à 6 niveaux du Cadre européen commun de référence pour les langues. De quoi s’agit-il ? Le candidat se prépare et s’inscrit au niveau de son choix (A1, A2, B1, B2, C1, et C2) ; il passe alors une épreuve dans chaque compétence : expressions orale et écrite, compréhensions orale et écrite. Chaque épreuve est notée sur 25 et le candidat doit obtenir au minimum 50 sur 100.

Maintenant : que penser de cette certification ? Je connais assez bien le sujet pour avoir corrigé ces examens depuis leur refonte.

Au delà de la pertinence ou de l’intérêt des sujets, qui passionnent toujours les professeurs (« Ah ! Ils ne se sont pas foulés ! Encore l’écologie ! », « La question est mal fichue ! », etc.), mais qui finalement sont secondaires, il peut être utile de discuter de la valeur du diplôme.

Pour commencer, je peux témoigner de l’obsession du CIEP pour faciliter l’obtention de ces certifications. A chaque session, les « éléments de langage », pour reprendre une expression à la mode, sont : « Ne notez pas trop sévèrement ! » De plus, plusieurs outils permettent de diminuer la pression évaluative. D’abord, le correcteur est invité à voir ce que le candidat peut faire en français et non pas ce qu’il ne peut pas faire, ce qui me semble honnête et légitime, mais n’en entraine pas moins une certaine clémence (il est plus facile d’enlever des points plutôt que de n’en pas donner). Suit une grille d’évaluation dont certaines sections sont si vagues qu’il est impossible de donner un minimum de points, à moins d’avoir devant soi un chimpanzé, et encore. Puis vient le nombre excessif de sections à évaluer (une dizaine pour les épreuves d’expression) : un candidat qui se présente aura difficilement moins de 0,5 dans chaque section, c’est à dire qu’il a déjà environ 5 points sans avoir encore rien fait. La notation se fait ensuite sur 25, ce qui est à mon avis la grande trouvaille du CIEP : nous sommes tous habitués à évaluer sur 20 et perdons nos repères quand nous passons sur 25. Enfin les notes des différentes compétences se compensent, à la condition d’obtenir au minimum 5 dans chacune (condition facile à remplir, nous venons de le voir). Un candidat peut donc par exemple obtenir son diplôme en ayant deux 5 et deux 20, ce qui n’est pas du tout un cas d’école. Que signifie, dans ces conditions, être titulaire d’un tel diplôme ?

Mais pourquoi faciliter autant l’obtention des diplômes ? On s’imagine mal le marché que représente celui des certifications en langue. A l’Institut français de Barcelone, où j’ai travaillé pendant 7 ans, 3 trois sessions d’examen sont organisées chaque année et celle de juin, la plus importante, réunit environ 2000 candidats. Quand on multiplie ce nombre par les frais d’inscription, on s’aperçoit qu’il s’agit d’un petit pactole que les différentes entités se disputent d’ailleurs comme des chiffonniers (à Barcelone, par exemple, une partie des recettes est reversée au CIEP et à l’Institut de Madrid). Tout le monde en croque (professeurs compris), et tout le monde a intérêt à ce que les affaires marchent : comment mieux y parvenir qu’en facilitant l’obtention de ces diplômes ? Tous les candidats, ou presque, peuvent repartir avec une belle certification utile pour leur CV.

Mais cette certification soulève une autre question, d’ordre théorique celle-là, et de taille :

Comment, à l’heure où le C.E.C.R. fonde l’apprentissage des langues sur l’approche actionnelle dont on nous rebat les oreilles, comment peut-on justifier l’absence totale de tâche durant ces examens ?? D’autant plus que ce type de certification existe déjà !! Laquelle ? C’est ce que je vous propose de voir la prochaine fois !

Site du CIEP

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